Le Matin : «Sahara marocain : comprendre et cerner le différend régional» est l’intitulé de votre dernière publication, présentée vendredi à Pretoria.

Le Matin : «Sahara marocain : comprendre et cerner le différend régional» est l’intitulé de votre dernière publication, présentée vendredi à Pretoria.

D’après le titre, on devine l’objectif de ce projet, mais la question est pourquoi maintenant ?


Youssef Amrani : Il n’y a pas un moment plus opportun qu’un autre pour rappeler des vérités intemporelles. D’abord parce qu’elles ne sont pas tributaires d’une conjoncture et puis parce qu’elles ne sont pas sujettes à l’instant. La marocanité du Sahara n’est pas réductible à une tendance particulière ou une dynamique spécifique, elle est le fait d’une histoire profonde, d’une cohérence ordonnée et d’une multitude de légitimités qui s’enchevêtrent indépendamment des appréciations que certains pays, partis ou idéologies pourraient avoir. Dans l’absolu, la marocanité du Sahara parle pour elle-même, elle n’a pas besoin d’être argumentée outre mesure. Mais évidement, «la bonne foi» n’est pas toujours de mise, il y a des perversions de l’histoire, qui usurpent les faits pour tromper les jugements. C’est là qu’un effort de pédagogie s’impose pour notre diplomatie à travers le monde. Vous comprendrez naturellement que l’effort de pédagogie a une exigence autrement plus prononcée d’un pays à l’autre en fonction des positions adoptées par celuici, de ses jugements et de ses appréciations. Mais comme vous posez la question du contexte, je vous dirais qu’il y a aujourd’hui une dynamique onusienne qui se conjugue aux voix et aux actions d’une communauté internationale, qui ne fait plus dans la demimesure pour reconnaître formellement l’appartenance pleine et entière du Maroc à son Sahara et du Sahara à son Maroc. Les ouvertures des consulats généraux de pays frères et amis à Dakhla et Laâyoune, la proclamation américaine et d’autres initiatives diplomatiques qui se succèdent en cascade procèdent tous d’une même conviction que les légitimités du Maroc sont indiscutables, sa démarche diplomatique irréprochable, et sa souveraineté sur le Sahara non négociable. Il s’agissait pour moi dans ce contexte particulier et à travers cette publication de : Déconstruire, Argumenter et Mettre en valeur.


• D’abord il s’agissait de déconstruire et corriger les contre-vérités que certaines parties œuvrent sans relâche à installer par leur narrative biaisée, erronée et il faut le dire manipulatrice d’une opinion publique qui sous certains cieux a été trop longtemps exposée à des discours d’un temps révolu.


• Deuxièmement, il s’agissait de présenter mais surtout d’argumenter, faits à l’appui, les vérités historiques et les fondamentaux juridiques et politiques qui confirment, confortent et appuient sans équivoque la marocanité pleine et entière du Sahara et les légitimités indéfectibles du Royaume dans la préservation de son intégrité territoriale.


 • Enfin il s’agissait pour moi, en plus de mon action quotidienne en faveur d’un partenariat bilatéral multidimensionnel, de mettre en valeur et promouvoir l’identité millénaire et les démarches de cohérence d’un Maroc qui n’a jamais fait dans l’improvisation, le conjoncturel ou l’événementiel, que ce soit dans le traitement de la Question nationale ou sur d’autres dossiers de grande importance pour la région et le continent. C’est dire que toutes les évolutions historiques enregistrées récemment dans le dossier du Sahara marocain ne sont pas fortuites ni la conséquence d’un concours de circonstances. Elles sont l’expression comme le reflet de la continuité d’une Action, d’une Vision et d’une Approche portées au plus haut niveau par Sa Majesté le Roi Mohammed VI.


Depuis votre nomination en tant qu’ambassadeur à Pretoria par de S.M. le Roi, vous vous êtes montré particulièrement actif en matière de communication sur la question du Sahara marocain. Doit-on comprendre que ce dossier demeure toujours mal compris par l’opinion publique sud-africaine et au-delà dans le monde ?


D’abord, loin de moi l’idée d’affirmer que je conçoive cette publication comme étant uniquement à l’adresse du public sud-africain. J’ose espérer que tous ceux qui chercheraient à comprendre les dynamiques, l’histoire et les perspectives de ce différend régional créé autour du Sahara marocain trouveront un intérêt à consulter cette publication. Ceci étant dit, il y a certes des challenges véritables pour notre diplomatie à Pretoria et c’est d’ailleurs de façon continue, que ce soit sur les plateaux télévisés, la radio, la presse écrite ou encore dans le cadre de démarches officielles, que j’ai toujours porté les mêmes messages, défendu les mêmes idées et promu les mêmes approches. La lucidité n’est pas toujours le maître mot des orientations diplomatiques de certains pays. C’est une réalité avec laquelle il est, dans une certaine mesure, nécessaire de conjuguer. Vous savez, le Maroc est un pays vieux de 12 siècles d’histoire, il a une profondeur identitaire qui lui permet d’évoluer dans une sérénité et une maturité des plus prononcées. Cet état de fait n’est pas commun à tous les pays de la communauté internationale. Pour en revenir à la question du Sahara marocain, je vous dirais qu’il y a indéniablement un consensus international fort qui se précise, se conforte et s’affirme dans le sens d’une reconnaissance de plus en plus formelle et univoque des légitimités souveraines du Maroc sur ses provinces sahariennes. En marge des consensus internationaux, vous avez un cercle restreint de pays qui s’isolent du Droit et de la cohérence en continuant contre vents et marées à refuser l’irréfutable pour prôner l’irréalisable. La dynamique engagée au sein de l’enceinte onusienne pour parvenir à une solution politique ne saurait souffrir outre mesure des positions réfractaires d’une minorité, qui en s’isolant du consensus s’isole de la pertinence pour rester attachée à des concepts caducs qui sont autant de leurres qui n’aveuglent que ceux qui les prônent. Souvent ces mêmes pays, à l’approche réfractaire, ne semblent pas avoir effectué cette métamorphose nécessaire qui les émanciperait des schémas de pensée et des discours politiques d’un temps révolu. C’est la question du jugement que j’estime fondamentale. Vous savez, aussi infondé qu’il soit, le jugement a cette capacité malsaine de se transformer en conviction profonde s’il n’est pas remis en question. C’est d’ailleurs de ce même procédé qu’émanent les idéologies rampantes et les appréciations erronées. Il est essentiel de comprendre que la question du Sahara n’est pas ou du moins plus une question de décolonisation depuis 1975. Depuis la libération du territoire par le Maroc, à la faveur des Accords de Madrid, le dossier du Sahara est exclusivement celui de l’intégrité territoriale du Royaume. Alors évidement, un exercice de clarification s’impose lorsque des pays isolés prônent toujours l’organisation d’un référendum, alors que celui-ci est enterré par les Nations unies depuis deux décennies. De même, lorsque ces mêmes capitales se confinent dans des compréhensions limitées du droit à l’autodétermination ou pointent d’un doigt inquisiteur le Maroc pour différentes raisons insensées, là encore un exercice de clarification s’impose. Il relève que c’est une aberration que de voir ces mêmes protagonistes se focaliser sur les faux débats et taire les souffrances et les enjeux humanitaires dans les camps de Tindouf. La Communauté internationale a l’obligation de garantir à cette population la protection internationale, à travers le droit fondamental au recensement comme prévu par le Droit international, les résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité ainsi que le comité exécutif du HCR. En effet, l’opération d’enregistrement n’est pas uniquement politique, mais une exigence humanitaire et une obligation statutaire qui doit être appliquée le plus tôt possible. C’est une question de respect des droits les plus élémentaires de ces populations retenues contre leur gré dans des conditions inhumaines depuis plus de 46 ans
Dans le contexte plus large de l’espace africain, quel regard portez-vous aujourd’hui sur la diplomatie africaine du Maroc, après plus de 15 ans d’intenses activités diplomatiques Royales

Le projet africain a toujours été porté, chéri et honoré au plus haut niveau par Feu Mohammed V, Feu Hassan II et Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Nous célébrons aujourd’hui le 60e anniversaire de la conférence de Casablanca. 60 années durant lesquelles le Maroc n’a jamais failli à faire de son continent d’appartenance une priorité, un engagement et une ambition. Sous le leadership de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, c’est d’abord et avant tout des engagements sans faille et des solidarités sans égales qui préfigurent la politique africaine du Royaume. Le Maroc honore son identité et assume ses devoirs en apportant sa contribution forte et largement appréciée à l’édifice d’une prospérité continentale partagée qui ne peut être conçue en dehors du développement, de la paix et de la sécurité. Pleinement conscient de l’urgence des enjeux d’aujourd’hui comme ceux de demain, le Maroc n’économise aucun effort pour participer à «une synergie africaine» qui pousse inlassablement vers le progrès dans le cadre d’une coopération Sud-Sud voulue et façonnée par un panafricanisme à l’élan renouvelé. De l’enjeu migratoire, aux exigences de prospérité en passant par les questions de développement durable, sans oublier la menace sécuritaire, mon pays positionne sa diplomatie sur une multitude de dossiers autant structurants que déterminants pour l’avenir du continent. Le Royaume fait valoir aujourd’hui une crédibilité internationale qui lui est largement reconnue pour créer les cadres et les contextes d’une convergence, d’une complémentarité et d’une intégration mises en émulation par l’Afrique et pour l’Afrique. Le point d’ancrage de cette approche est celui d’une Vison portée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, érigeant la dimension humaine au cœur de toutes les préoccupations. En découle ainsi une conviction de cœur que la richesse première de l’Afrique est d’abord et avant tout son capital humain. Toute approche qui mettrait le citoyen africain en marge de ses objectifs ne peut légitimement prétendre à une quelconque pertinence. Le moteur d’un changement pour «le mieux» doit impérativement être celui qui traduira, fidèlement et en réalité concrète, la volonté d’une jeunesse africaine aux aspirations multiples et légitimes. Dès lors, l’architecture de l’action diplomatique du Maroc envers l’Afrique s’évertue, autant que possible, à porter les valeurs d’un altruisme continental efficient, agissant et structurant, et ce à plus forte raison en cette période de crise sanitaire. L’aide sanitaire conséquente et inédite dans son genre dépêchée par Sa Majesté le Roi il y a quelques mois vers plus de 20 capitales africaines préside de cet élan de solidarité et d’humanisme qui continuellement guide le Royaume dans sa démarche. Plus encore, l’offre partenariale du Maroc envers ses frères et sœurs africains ne dévie pas d’une once de cette perspective d’ouverture et de partage. Le Maroc, avec modestie, n’hésite jamais à partager l’expérience et l’expertise qui est la sienne avec ses pays frères et amis pour les accompagner utilement dans les efforts respectifs qu’ils mènent dans la souveraineté des visions, des ambitions et des identités propres à chacun d’entre eux. Pour ne citer que des exemples particuliers d’une réalité beaucoup plus large, le Maroc a signé récemment une multitude d’accords avec le Malawi et l’Eswatini couvrant des secteurs d’activité aussi larges que stratégiques comme l’agriculture, la santé, l’industrie et le développement urbain. Cela fait montre de cet engagement continu du Royaume à apporter là où il le peut sa pierre à l’édifice d’un continent qui prospère par ses propres ressources et pour son propre intérêt. Sa Majesté le Roi Mohammed VI a fixé le cap d’une diplomatie marocaine résolument tournée vers un avenir qui honore pleinement le passé de 12 siècles d’histoire

Par son leadership agissant, sa vision stratégique et son action volontariste, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a fixé le cap d’une diplomatie marocaine résolument tournée vers un avenir qui honore pleinement le passé de 12 siècles d’histoire et de profondeur identitaire. La justesse, la cohérence, la solidarité et la coopération sont les facettes indivisibles d’une projection doctrinale de la politique étrangère du Royaume du Maroc, décidée par Sa Majesté le Roi et implémentée avec abnégation par l’ensemble de l’appareil diplomatique du pays. Aujourd’hui, à la faveur de cette lucidité dans les démarches et cette clairvoyance dans les visions, notre diplomatie enregistre des succès en cascade dans la préservation et la consolidation de l’intégrité territoriale du Royaume avec des statistiques qui font état de 163 pays, représentant 85% des États membres des Nations unies qui ne reconnaissent pas l’entité factice. La proclamation américaine reconnaissant la souveraineté pleine et entière du Maroc sur ses provinces sahariennes n’est pas seulement une percée historique, mais également l’expression d’une synergie diplomatique qui cimente à l’échelle internationale les légitimités d’un Maroc uni et fédéré dans la protection et la préservation de son intégrité territoriale. Les États-Unis et le Maroc ont une histoire entrecroisée d’amitié, de confiance et de coopération. Le caractère stratégique du partenariat qui lie les deux pays présageait de l’imminence de cette prise de décision américaine, d’autant que depuis plusieurs années, les différentes administrations US ont toujours fait montre d’une sensibilité politique expressément positive et d’un soutien éminemment affirmé à l’endroit du Maroc et de son Plan d’autonomie présenté en 2007. La proclamation américaine est donc le prolongement naturel de ce trait d’union d’exception, liant Rabat à Washington depuis des temps immémoriaux. C’est dire que cette décision américaine n’a rien de conjoncturel tant elle est le fruit d’un dialogue et d’un partenariat arrivés à un degré de maturation sans pareil, à la faveur de nos divers instruments de partenariat uniques et sans cesse novateurs, tels que le MCC, FTA et le Statut d’allié majeur non-OTAN. En substance, la proclamation américaine vient couronner les convergences diplomatiques fortes et structurelles entre nos deux pays, et ce dans la compréhension mutuelle et le strict respect de la légalité internationale. Cette proclamation américaine transcende dans ses implications le cadre exclusivement bilatéral. Les États-Unis en tant que grande puissance, membre permanent du Conseil de sécurité et penholder des résolutions onusiennes sur le Sahara marocain ont un rôle déterminant sur l’échiquier international. Le consensus international autour de cette position a d’ailleurs été clairement consacré lors d’une récente conférence ministérielle de haut niveau organisée par le Maroc et les États-Unis, en soutien à l’initiative marocaine d’autonomie avec la participation d’une pléthore de ministres des Affaires étrangères et hauts responsables d’État, représentant plus de 40 pays, qui ont affirmé haut et fort leur soutien explicite à la proposition marocaine qui, n’ayant jamais dévié de la légalité internationale, constitue la seule et unique perspective d’une solution définitive à ce différend régional. Plus encore, de nombreux pays frères ont ouvert des consulats généraux dans les villes de Laâyoune et de Dakhla, reconnaissant ainsi, de façon claire et nette, la marocanité du Sahara. L’importance de la proclamation présidentielle américaine ne se limite donc pas à la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur son Sahara tant elle établit, avant tout, une perspective claire et ferme pour un règlement définitif du différend, à savoir l’autonomie sous souveraineté du Maroc. À ce titre, la proclamation américaine constitue dans son essence ce nouvel élan et ce nouveau dynamisme tant attendu par un processus politique trop longtemps mis en stand-by. Elle est ce pas en avant qui, aux cotés des derniers développements majeurs enregistrés par le dossier de la Question nationale, vient accélérer le changement et promouvoir les transformations annonciatrices de perspectives plus prometteuses.

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